Arrêts maladie : les fonctionnaires face à la hausse du délai de carence
Le ministère de la Fonction publique envisage une hausse du délai de carence pour les fonctionnaires en cas d’arrêts maladie. Il souhaite ainsi réduire les absences pour maladie et réaliser des économies sur l’assurance. Mais cette mesure suscite l’inquiétude générale.
À la recherche d’économies pour son budget 2025, le gouvernement Barnier étudie toutes les pistes qui peuvent lui permettre de grappiller quelques millions d’euros. Dans la fonction publique, il prévoit d’augmenter le délai de carence pour les agents arrêtés pour cause de maladie. Ce délai passera d’un à trois jours, comme c’est le cas dans le secteur privé.
Le gouvernement vante une mesure de justice
Cette mesure implique que l’Etat ne paie plus les deuxième et troisième jour du congé maladie, mais aussi rémunère moins bien les arrêts de maladie (90 % de salaire versé contre 100 %). Elle devrait permettre à l’exécutif de réaliser 1,2 milliard d’euros d’économies par an, dont 289 millions d’euros avec la carence et 900 millions d’euros avec la baisse de rémunération.
Mais, au-delà de l’argument financier, le gouvernement vante un besoin de justice. En effet, il pourra désormais aligner le traitement des agents de la fonction publique sur les salariés du privé et lutter contre l’absentéisme dans le secteur public. Sur le plateau de LCI, le dimanche 3 novembre, le ministre de la Fonction publique a réitéré la volonté de l’État d’augmenter le délai de carence.
Un abus des arrêts maladie de la part des fonctionnaires ?
Guillaume Kasbarian a assuré que le gouvernement se doit de réagir face à « une situation économique fragile ». Selon lui, « tout le monde doit prendre sa part », alors que le déficit de la dette publique se creuse. Le ministre a pointé la hausse du nombre d’absences pour maladie dans la fonction publique, qui serait de l’ordre de 80% ces dix dernières années. « Vous avez parfois des abus, parfois il n’y en a pas… Les abus, vous les avez dans tous les domaines… Je ne généraliserai pas », a-t-il relativisé, assurant ne pas vouloir faire de « fonctionnaire bashing ».
Guillaume Kasbarian a toutefois fait le lien entre la hausse des jours de carence et la baisse du nombre des arrêts maladies. Citant l’Insee, il a en outre affirmé que l’instauration d’un jour de carence a permis une baisse des absences de l’ordre de 23%. Bien que résolu à augmenter le délai de carence, le ministre de la Fonction publique a prévu de rencontrer les syndicats ce 7 novembre.
Les arrêts maladie de longue durée en hausse
Ce que ne dit pas Guillaume Kasbarian, c’est que la même enquête de l’Insee montre aussi que la réinstauration du jour de carence dans la fonction publique depuis 2018 a fortement réduit les congés maladie de courte durée, mais a très légèrement augmenté ceux de plus de trois mois. Cette mesure a d’ailleurs davantage pénalisé financièrement les femmes, plus souvent concernées par des arrêts maladie que les hommes.
L’étude relève également que l’introduction du jour de carence peut encourager les personnes malades à travailler, au lieu de réduire le nombre d’absences injustifiées. Ce qui peut entraîner une détérioration de l’état de santé de l’agent ainsi qu’une hausse des dépenses publiques associées. Par ailleurs, en cas de maladie contagieuse, le fonctionnaire malade pourrait contaminer ses collègues au bureau, entraînant une diminution de la productivité individuelle et collective.
Alexis Corbière dénonce des méthodes de voyou contre les fonctionnaires
Réagissant aux annonces du ministre de la Fonction publique, Alexis Corbière, a dénoncé lundi sur TF1 une provocation et une tentative de fracturer le monde du travail. Selon le député NFP de Seine-Saint-Denis, Guillaume Kasbarian « utilise des méthodes de voyou contre les fonctionnaires ». Il accuse aussi le ministre de traiter les fonctionnaires de paresseux et de tricheurs. Pourtant « les enseignants ne sont pas plus absents que des salariés du privé », a souligné l’élu.
Alexis Corbière précise d’ailleurs que 70 % des salariés du privé sont pris en charge par des conventions collectives qui leur permettent d’être rémunérés dès le premier jour d’absence. Tout le contraire des fonctionnaires. Il estime donc que l’allongement des jours de carence pénalisera les agents de l’Etat plus que les travailleurs du privé. Pis, il pousserait certains malades à aller au travail quand même. Ce qui constituerait un risque pour les collaborateurs et la productivité.