La récupération de chaleur fatale, angle mort de la transition environnementale des entreprises ?

La récupération de chaleur fatale, angle mort de la transition environnementale des entreprises ?

Recycler de la chaleur produite sur un site pour l’exploiter à proximité. Ce procédé, extension du principe d’économie circulaire appliquée à la chaleur dite “fatale”, fait ses preuves sur le terrain, comme à Charleville-Mézières. Mais il reste encore sous-exploité. 

Bien connue des experts mais encore peu assimilée par les entreprises, la récupération de chaleur fatale consiste à valoriser une chaleur générée par un processus dont la production d’énergie n’est pas l’objectif premier. Qu’elle soit issue de processus industriels, de datacenters, de bâtiments tertiaires ou du traitement des déchets, cette chaleur est encore trop souvent perdue. 

Les processus industriels sont l’une des principales sources d’émission de chaleur fatale. L’ADEME cite notamment les industries des métaux, verres, ciments où les processus de production impliquent des montées en température qui se comptent en centaines de degrés celsius. Les vapeurs, les fumées, les eaux de refroidissement sont alors extrêmement valorisables, et sous-exploitées aujourd’hui. 

Cependant, les gisements de chaleur fatale ne résident pas uniquement dans le secteur industriel. Toujours d’après l’ADEME, les hôpitaux, les stations d’épuration ou encore les datacenters peuvent aussi constituer des sources exploitables de chaleur aujourd’hui inexploitée. 

Stellantis à Charleville-Mézières, un projet pionnier

L’idée de valoriser le « sous-produit » chaleur a déjà fait son chemin dans certains secteurs industriels. Il faut dire que les intérêts sont multiples. Les enjeux économiques convergent sur ce sujet avec la question écologique pour les entreprises, qui peuvent également bénéficier de nouveaux liens avec les acteurs du territoire. 

Depuis plusieurs années, l’usine Stellantis (ex PSA) de Charleville-Mézières s’est ainsi engagée dans cette démarche en étant accompagnée financièrement et techniquement par EDF et l’État. Elle a d’abord injecté la chaleur de récupération issue de ses fours dans le réseau de chauffage urbain de la ville, avant d’en utiliser une partie directement pour chauffer ses propres bâtiments. L’entreprise économise ainsi le tiers de sa facture de gaz et fait bénéficier le territoire qui l’entoure de cette innovation. Ce sont plus de 3 000 équivalents-logements qui sont ainsi chauffés par ce biais, pour près de 7 000 tonnes de réduction d’émissions de CO2 par an d’après Dalkia, la filiale d’EDF qui a mené le projet à bien. 

A Grenoble, le directeur de Solvay Energy, qui mène un projet comparable, souligne cette relation gagnant-gagnant nouvelle entre les entreprises et les territoires : « Il y a un effet vertueux pour les deux parties. On est dans une période où sont souvent opposés industrie et développement durable. Avec ce projet, l’industrie apporte à l’agglomération. La valorisation de chaleur fatale permet d’être encore plus ancré dans le territoire ».

Récupération de chaleur fatale : un potentiel largement sous-exploité

L’investissement dans la récupération de la chaleur perdue reste pourtant anecdotique par rapport aux potentialités offertes. Dans un tweet, l’élu à la mairie de Grenoble Alan Confesson estime que la récupération de chaleur fatale est à la fois un « marché d’avenir » et « un angle mort des débats français sur la transition énergétique ». 

Même son de  cloche du côté de la Fédération des Services Énergie Environnement (FEDENE) qui a porté ce sujet dans le débat en prévision de l’élection présidentielle. Son président, Pierre de Montlivault, souligne que « le nombre de projets de récupération de chaleur fatale qui se développent en France n’est pas à la hauteur du potentiel d’énergie de récupération » alors que « près de 15 TWh de chaleur fatale ont été identifiés à proximité de consommateurs de chaleur ». Au-delà de ces 15 TWh exploitables rapidement, l’ADEME a estimé à 110 TWh le gisement potentiel national, rien que dans l’industrie. 

Parmi ces 110 TWh, qui représentent tout de même 36 % de la consommation de combustible dans l’industrie, plus de la moitié sont concentrés dans les branches de l’agroalimentaire et de la chimie. La concentration est également géographique. Le Grand-Est, les Hauts-de-France et l’Auvergne-Rhône-Alpes représentent 45 % de ce potentiel. Ces régions, historiquement industrialisées, pourraient largement bénéficier de l’investissement dans la récupération de chaleur. Alors que l’industrie hexagonale doit baisser ses émissions de CO2 de 35 % en 15 ans et que les prix de l’énergie continuent de grimper, la récupération de chaleur fatale pourrait bien être un des chantiers prioritaires à investir pour les entreprises. 

 

La Rédaction

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