Sous pression, le Qatar améliore les droits des travailleurs étrangers
Depuis plusieurs années, les autorités qataries multiplient les mesures pour contraindre les entrepreneurs à respecter leurs employés. Un long chemin reste à faire, il est vrai. Mais la pression des organismes internationaux commence à porter ses fruits et des milliers d’ouvriers en perçoivent déjà les effets.
Régulièrement dénoncées par les organismes internationaux, les difficiles conditions de travail des ouvriers étrangers au Qatar sont devenues un sujet particulièrement urgent depuis l’attribution de l’organisation du Mondial 2022 au petit Etat gazier.
D’après le rapport 2016/2017 d’Amnesty International, plus de cent ouvriers immigrés participant à la construction d’un des stades de la Coupe du monde de football ont souffert d’abus flagrants et systématiques de la part de leur employeur, y compris de travail forcé. Ces grandes entreprises de la construction, souvent étrangères, profitent de la faible législation du travail au Qatar pour exploiter une main d’œuvre principalement issue du sous-continent indien.
L’ONG reconnait toutefois « les actions des autorités qatariennes visant à remédier aux abus dont sont victimes les travailleurs migrants, tout en indiquant que de nombreux défis restent à relever ».
En effet, depuis les premières critiques de la communauté internationale, le Qatar a reconnu qu’il n’était pas un « État parfait qui ne faisait jamais d’erreurs ». Il a cependant indiqué que « des changements étaient en cours » et que « les choses étaient en train de changer ».
Or, si les conditions de travail sont loin d’être idéales, les résultats de la pression internationale sont déjà perceptibles. Alors qu’une étude universitaire réalisée en 2013 révélait qu’environ un cinquième des travailleurs étaient « parfois, rarement ou jamais » payés à temps, un système de protection de la paie (WPS) a été introduit en novembre 2015.
À l’occasion du premier anniversaire du WPS le gouvernement qatarien a estimé que « 1,8 million des 2,1 millions de travailleurs (soit environ 85 %) sont désormais rémunérés de manière électronique par quelque 37 000 entreprises ». Le directeur du Département de l’inspection du travail affirme par ailleurs avoir « pris un engagement auprès des (autres) 15 % » afin d’obtenir le respect intégral de la réforme.
Nouveaux droits et nouvelles technologies
Outre le règlement des salaires, les conditions de travail des ouvriers ont attiré l’attention des autorités qatariennes. Dans un rapport publié le 27 septembre dernier, Human Rights Watch rappelle que les températures extrêmes qui sévissent au Qatar entre les mois de mai et septembre peuvent être directement liées à l’hyperthermie, l’épuisement et la déshydratation observés chez de nombreux ouvriers.
Selon les autorités locales, 520 décès ont été recensés « dans les communautés d’Inde, du Népal et du Bangladesh, qui forment les trois quarts de la main-d’œuvre immigrée du Qatar, estimée à 2 millions de personnes, soit 90 % de la population totale du pays », rapporte Le Monde.
Les inquiétudes suscitées par ces chiffres ont fait réagir le pays, qui est ainsi devenu le premier État du Golfe à appliquer des restrictions rigoureuses à l’égard des heures de travail d’été. L’emploi du temps des ouvriers doit désormais s’adapter aux températures et s’arrêter dès que celles-ci représentent un danger pour la santé des travailleurs.
De son côté, le Comité suprême pour les projets et l’héritage (Supreme Committee for Delivery and Legacy, SC) a été mis en place en 2014 afin de veiller à ce que les normes de bien-être des travailleurs soient respectées sur les chantiers de la Coupe du monde. Il est également chargé d’introduire de mesures concrètes pour améliorer les conditions de vie des ouvriers au quotidien.
Les mesures les plus ambitieuses de la région
Le SC compte ainsi distribuer 9 400 serviettes rafraîchissantes parmi les ouvriers, et quelque 1 000 travailleurs de l’Al-Wakrah Stadium, un des cinq stades qui accueilleront l’événement sportif, peuvent déjà les porter autour du cou, des bras ou dans les poches de leurs vêtements de travail, ce qui leur permet de se rafraîchir malgré l’effort physique.
Afin de faire émerger de nouvelles technologies de rafraîchissement, le SC soutient et encourage la recherche. Il a notamment lancé un projet pilote sur le stade Al-Wakrah afin de tester une technique évaporatoire appliquée à un nouveau modèle de gilet rafraîchissant. Celui-ci permettra de réduire la fatigue et le stress occasionnés par la chaleur.
Destinées dans un premier temps à améliorer les conditions des ouvriers sur les chantiers de la Coupe du monde, les réformes ont été étendues aux employés de maison, que les ONG s’inquiétaient de voir jusqu’ici exclus. Mardi 22 aout, le cheikh Tamin Ben Hamad Al Thani a signé une loi visant à protéger les ressortissants étrangers employés à des tâches domestiques, notamment les personnels de maison, les cuisiniers et les chauffeurs. Les employeurs sont désormais contraints de payer un salaire tous les mois à leur personnel et de leur accorder un jour libre par semaine et trois semaines de congés annuels.
Ces évolutions peuvent paraître modestes à un observateur occidental. Mais elles s’avèrent ambitieuses lorsqu’on considère leur contexte historique et géographique. Le Qatar est en effet allé plus loin que la plupart de ses voisins en matière de protection des travailleurs étrangers, et cela représente un acquis inestimable pour cette population vulnérable.