Paris 2024 : Marseille peut-elle survivre à sa candidature ?
Le 23 juin, la ville de Marseille a déposé son dossier au Comité d’organisation des Jeux olympiques afin d’accueillir les épreuves nautiques des JO de 2024. Complémentaire à la candidature de Paris, cette initiative ne semble pas moins déconnectée de la situation économique de la ville, une des plus alarmantes de France. Chômage en hausse, pauvreté massive, infrastructures en danger, les signaux renvoyés par la cité phocéenne sont dans le rouge et ses ambitions olympiques ne devraient pas arranger la donne, bien au contraire.
Cinq arrondissements parmi les plus pauvres de France
Début juin, une étude publiée par l’Insee mettait en exergue la présence d’une très forte pauvreté à Marseille. Selon le rapport, sur les onze arrondissements les plus pauvres de l’Hexagone, la ville en possède cinq. Elle compte même dans ces rangs l’arrondissement le plus pauvre de l’Hexagone (le 3ème). Un triste record pour la deuxième ville la plus importante de France. Dans cette zone, plus de la moitié des habitants vit sous le seuil de pauvreté. Une tendance qui se propage aujourd’hui dans l’ensemble de la municipalité.
« A Marseille, le quart des habitants est pauvre », explique Marjorie Martin, responsable de l’étude. Cette pauvreté qui avant se concentrait plutôt en périphérie, touche désormais le cœur de la ville et n’est plus un phénomène uniquement réservé aux quartiers nord de la cité phocéenne. A Marseille plus qu’ailleurs, la crise économique passe sur la ville comme un bulldozer qu’on ne sait arrêter.
On est face à une situation très critique dans laquelle la municipalité est embourbée depuis des années, à en croire les dires du spécialiste politique Michel Péraldi : « Je pense que Marseille vit une crise économique assez profonde depuis quasiment un siècle et jusqu’à présent on n’a pas vu se lever l’ombre d’un renouveau ou d’une perspective nouvelle pour cette ville. Marseille est enfoncée dans une sorte de léthargie économique qui a laissé une partie de la population sur le carreau. Aujourd’hui, dans certaines cités à Marseille, vous en êtes à la 3e génération de chômeurs. ».
La présence d’un important chômage marseillais est effectivement à mettre en corrélation directe avec le développement de la pauvreté à Marseille et dans toute la région Paca. Avec un chômage en hausse, qui pointe à plus de 13 %, et un taux de chômage des jeunes atteignant les 40 % dans nombre de ses quartiers, Marseille doit naviguer entre une précarité professionnelle qui empêche les individus de sortir de la misère et un marché de l’emploi des plus obscurs. Pour dérocher un emploi, il est souvent préférable d’avoir les bonnes connections politiques, conditions qui se confirment particulièrement si l’on souhaite intégrer le secteur public ou associatif.
Si sa population active va mal, la ville ne brille pas davantage lorsqu’il s’agit d’aborder ses infrastructures, notamment celles concernant le milieu hospitalier. L’hôpital public de Marseille est aujourd’hui en proie à une crise sans précédent. Dette de plus d’un milliard d’euros, absentéisme record, gestion inadaptée, déficit annuel qui se creuse, le troisième CHU de France est actuellement à l’agonie. Un plan de relance afin de ramener l’hôpital à l’équilibre devrait être présenté en septembre par la nouvelle directrice, Catherine Geindre, et avec lui la crainte de nombreux licenciements.
Une candidature aux JO qui inquiète
Début juillet, les experts mandatés par l’Association Ambition Olympique, en charge de la candidature de Paris aux JO 2024, se sont rendus à Marseille dans le cadre des visites organisées afin d’examiner les sites postulant pour accueillir les épreuves olympiques de voile. Les équipes ont ensuite mené leur inspection à Hyères, Brest, la Rochelle, dans le Morbihan et au Havre, les cinq autres candidats pour décrocher cette partie des Jeux, et auraient choisis leurs trio de tête : La Rochelle, le Morbihan et… Marseille.
Pour Paris, le budget prévisionnel pour l’organisation des ces Jeux serait de 6,2 milliards d’euros, dont 2 milliards proviendraient du Comité international olympique. Seulement, les dernières éditions des Jeux ont souvent fait mentir les prévisions et fait exploser les budgets. Qu’il s’agisse des JO de Pékin en 2008 (un budget initial de 2,6 milliards d’euros et des dépenses finales atteignant les 32 milliards d’euros) ou de ceux de Londres qui se sont soldés par une facture de 10,4 milliard d’euros, soit plus de la moitié attendue, il y a fort à parier que la capitale française ne déroge pas à la règle.
La perspective de voir Marseille embarquer dans l’aventure olympique ne laisse présager rien de bon et risque fort d’augmenter un peu plus les frais d’un « Paris 2024 », la ville n’ayant pas les moyens économiques et logistiques pour honorer les ambitions d’un tel événement sans sombrer davantage dans le rouge. Pauvre en infrastructures, la municipalité devrait investir le Parc Chanot pour construire les équipements nécessaires au déroulement des compétitions. On s’attend donc à un chantier colossal, très lourd en investissements et frisant le déraisonnables quand on sait le très faible retour sur investissement de ce genre de dépenses.
Pour l’heure, Marseille semble déterminée à vouloir se perdre dans cette aventure et chiffre déjà les travaux de réaménagement de sa marina olympique entre 10 et 15 millions d’euros. Des millions qui en amèneront assurément d’autres si la candidature phocéenne venait à être validée. En désirant faire équipe avec Paris pour organiser ces Jeux olympiques, Marseille risque non seulement de faire plonger les comptes de la capitale mais démontre également un sens des priorités douteux et un manque de considération face aux nombreux maux qui touchent aujourd’hui la population marseillaise. Des problèmes que quelques compétitions de voile ne règleront certainement pas.