Défense : comment se réarmer sans dégrader le déficit public ?

Face à la menace russe et au potentiel désengagement des États-Unis de l’OTAN, la France a choisi d’investir davantage dans sa défense. Mais le gouvernement doit composer avec un déficit public qui se creuse. Et il ne doit surtout pas toucher au social ou aux impôts. Alors quels pistes de financement ?
Dans son allocution de mercredi dernier, Emmanuel Macron a annoncé une hausse des dépenses militaires, pour les faire passer de 2 à 5% du PIB. Cette décision vise à mieux préparer la France à une éventuelle guerre contre la Russie, que le président français considère désormais comme la plus grande menace pour l’Europe. Le chef de l’État a appelé ses concitoyens à « de nouveaux choix budgétaires et des investissements supplémentaires » pour la défense nationale et européenne. Mais il n’est pas question de toucher au social ni aux impôts, avertit les oppositions.
La gauche interdit de toucher aux dépenses de solidarité pour la défense nationale
Pour la gauche, il ne pouvait en être autrement. Elle prévient le gouvernement de ne pas toucher aux retraites et aux dépenses de solidarité. C’est la ligne rouge à ne pas franchir. La sénatrice socialiste Monique Lubin, notamment, dit être consciente que « nous devons nous préparer mais certainement pas au détriment de la politique sociale ». Pour sa part, le premier président de la Cour des comptes Pierre Moscovici pense qu’il faut éviter tout nouveau recours à la dette, alors que le déficit public a déjà atteint un niveau record.
Il ne faut pas se réarmer au prix d’une dégradation supplémentaire de nos déficits
Selon l’ancien ministre de l’Économie et des Finances, « si nous voulons être capables de répondre à des menaces sur notre sol – et notre sol, c’est le sol européen » – nous devrons évidemment « faire des efforts » mais pas « au prix d’une dégradation supplémentaire de nos déficits, les plus dégradés d’Europe. ». Au gouvernement, on est également conscient qu’il ne faut pas sacrifier certaines dépenses pour se réarmer, ni détériorer davantage les finances publiques.
Pas une bonne idée de financer notre défense avec les produits d’épargne
Pour cela, François Bayrou et son équipe réfléchissent à plusieurs leviers, mêlant fonds publics et capitaux privés. Le Premier ministre avait d’abord évoqué la piste du livret A et du LDDS, dont il voulait flécher une partie des fonds vers l’industrie de la défense. Mais il s’est finalement désisté. Bercy pense que ce n’est pas la bonne direction, même si la contribution citoyenne devait être volontaire. Matignon étudie aussi la possibilité de créer un livret d’épargne dédié, pour augmenter les dépenses militaires sans déséquilibrer les comptes publics.
Un emprunt national sur la table
« Cela fait évidemment partie de la boîte à outils dans laquelle on pourra piocher au fur et à mesure des décisions qui seront prises », a confirmé vendredi le ministre des finances Eric Lombard. Une autre option est de recourir à un emprunt national. Pour Bayrou, cela fait partie des solutions les plus sérieuses, mais rien n’encore arrêté. Le Premier ministre a indiqué que le choix définitif pourrait « prendre des semaines peut-être jusqu’à deux mois ».
Le PS propose de faire appel au patriotisme fiscal des plus riches pour financer notre défense
En attendant, Macron réfléchit sérieusement à des prêts bancaires pour le secteur de l’armement. Pour faciliter ces opérations, il pourrait demander aux acteurs de la finance d’assouplir les règles en matière d’investissement dans la défense. Dans cette optique, le ministre de l’Économie et le ministre des Armées rencontreront, le 20 mars à Bercy, les banques, les investisseurs privés, les fonds d’investissement et les assureurs. Pour le parti socialiste, fidèle à sa politique de taxation des plus riches, il serait plus juste de convoquer le patriotisme fiscal des plus fortunés uniquement…