Ne faisons pas de l’écologie le parent pauvre de l’élection présidentielle
Entre crise sanitaire, manifestations des anti-vax et recrudescence du risque terroriste en période estivale l’actualité politique de ces derniers mois a inévitablement fait reculer les enjeux écologiques au second plan dans l’opinion.
Force est de constater que le Covid, qui avait initialement renforcé les aspirations populaires à un monde plus durable et responsable, a progressivement occulté la question de la transition écologique. Il est normal que le débat public porte sur des enjeux de court terme et que les décideurs soient contraints de régler des crises imminentes. Il est tout autant normal que la société civile rappelle à nos dirigeants qu’entre ces épisodes successifs se dessine à l’horizon une crise encore plus profonde, plus perfide, plus longue : la crise climatique. Le dernier rapport du GIEC, qui au demeurant n’a eu dans l’opinion publique que le retentissement d’une « séquence politique » comme une autre, le montre : elle n’est plus pour demain, nous y sommes.
Un essoufflement de l’écologie ?
L’élection présidentielle se rapproche, et avec elle les principaux thèmes qui la feront vivre se structurent : sécurité, crise sanitaire, réforme des institutions, crise sociale. Pendant quatre ans tous les observateurs s’accordaient pour inclure l’écologie dans les enjeux essentiels du débat, et ce fut encore le cas jusqu’à peu. Mais ces derniers mois le sujet semble avoir reculé dans l’opinion au profit d’on ne sait quelle nouvelle revendication de « droits sociétaux » comme on les appelle désormais, individuels et tutélaires. Cet essoufflement de l’écologie dans le débat est d’autant plus regrettable qu’il intervient à quelques mois des élections présidentielles. Or le prochain quinquennat sera justement déterminant, en France et sur la scène internationale, pour donner un coup de barre vital.
Cette analyse n’a pas l’objectif de blâmer la passion de l’opinion publique pour d’autres problèmes d’actualité. Elle ne veut pas non plus faire un énième procès d’intention aux responsables politiques, d’aucuns s’en chargent déjà plus que de raison. L’exercice de l’Etat implique la gestion simultanée d’un très grand nombre de priorités toutes plus importantes les unes que les autres. En revanche il est important de faire, plus qu’une piqûre de rappel, une intraveineuse écologique au débat public. Il serait dangereux de l’oublier en cette sombre période.
Il faut également rappeler que l’opinion publique ne reflète pas entièrement les aspirations de la société. Si la période ne permet pas de se concentrer vraiment sur l’écologie, cette envie de changement est fortement ancrée notamment dans le cœur de la jeunesse. Une élection présidentielle engage pour l’avenir du pays, les décisions prises en 2022 auront des conséquences en 2032, 2042… Avec l’accélération de la crise climatique, les candidats ont rendez-vous avec l’Histoire.
Une urgence à changer de modèle
La transition de notre modèle de société n’est plus une option, c’est une urgence qui accélère irrémédiablement le moment où nous heurterons le mur. Or une transition de société ne peut pas se faire à marche forcée par une portion réduite des forces vives de la Nation. Il ne suffit pas d’alerter les acteurs publics, mais également d’inclure les acteurs privés au débat, car aucun changement profond ne pourra être réalisé sans eux. Le service de l’intérêt général n’est par définition pas dans la génétique des entreprises. Ce sont des individus rationnels arbitrant en fonction de variables économiques et financières, et la durabilité n’est qu’une variable d’ajustement. Encore une fois ce constat n’est pas un jugement de valeur : la satisfaction de l’intérêt général relève des fondations, des associations et des organisations humanitaires. Pourtant si nous ne nous donnons pas les moyens de changer les logiciels de pensée des entreprises, premières sources d’émissions de carbone, la transition tant espérée n’arrivera pas. Un défi de taille s’impose donc dans les prochains mois à l’opinion et aux décideurs : inclure les entreprises à ce mouvement de société en leur montrant leur intérêt rationnel à y participer.
Il est de bon ton dans le microcosme politique de fustiger l’inconséquence des chefs d’entreprise uniquement intéressés par le principe de rentabilité. Mais la faute n’incombe-t-elle pas avant tout aux décideurs publics qui n’ont pas su ou pu prendre les mesures tant espérées par lâcheté, démagogie ou cynisme ? Il est temps aujourd’hui de repenser notre modèle de société en incluant l’ensemble des acteurs au processus. « Les forêts précèdent les civilisations, les déserts les suivent » disait le grand écrivain François-René de Chateaubriand dans ses Mémoires d’Outre-Tombe. Notre modèle est beau quand il permet un juste développement de notre économie tout en permettant un respect et une protection de notre environnement. Notre génération refuse d’être celle du « désert » qui oublierait la planète, elle ne doit pas non plus devenir celle qui renverse la table, jetant aux orties progrès, économie et génie de l’Homme. Cette génération doit être écoutée, gageons que l’élection présidentielle de 2022 sera une première marche à cette prise de conscience collective.
Andréas Chaïb est le Président du think tank Génération d’Avenir
Ferréol Delmas est le Directeur du think tank Ecologie responsable