La France développe ses capacités de « solaire flottant »
Alors que le projet de Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), publié début 2019, prévoit de multiplier par 4 ou 5 la capacité de production d’énergie photovoltaïque d’ici 10 ans, la France devrait pouvoir compter sur les atouts du flottant.
Il s’agit d’une petite révolution dans le monde de l’énergie. En octobre dernier, le département du Vaucluse inaugurait la plus grande centrale photovoltaïque flottante du pays. Une ferme de 47 000 panneaux (17 mégawatts) de 30 kilogrammes chacun, installés sur les 50 hectares d’un lac artificiel laissé à l’abandon, destinés à fournir de l’électricité 100 % renouvelable à quelque 4 733 foyers. Soit 10 000 personnes. Le projet, réalisé par Bouygues Energies Services pour le producteur d’énergies vertes Akuo Energy, fait aujourd’hui de Piolenc l’une des premières communes à énergie positive.
Avenir du solaire en France
Si elle a rencontré, au départ, des blocages administratifs, la centrale flottante a rapidement convaincu autorités et riverains – une campagne de financement participatif a même été mise en place, qui a rapporté 1 million d’euros. Le projet ne manquait pas d’arguments. Tandis que l’eau du lac sert à refroidir les installations, le rendement énergétique des panneaux est supérieur de 5 à 10 % à celui des panneaux terrestres, grâce aux rayonnements solaires à la surface de l’eau. Quant à la biodiversité, elle reste intacte, puisque « le solaire flottant ne laisse pas de marque dans les sols à long terme [et] ne génère pas de pollution de l’eau », assure le maire de Piolenc, Louis Driey.
Avant cela, en juin dernier, la Compagnie nationale du Rhône (CNR) inaugurait elle aussi une centrale photovoltaïque flottante, dans les Monts du Lyonnais. Et il y a fort à parier que d’autres installations de la sorte verront le jour dans les prochaines années : le projet de Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) publié début 2019 prévoit effectivement de multiplier par 4 ou 5 la capacité de production d’énergie photovoltaïque d’ici 10 ans. Et le plan du gouvernement intitulé « Place au Soleil », lancé en juin 2018, prévoit de libéraliser le solaire et d’accélérer son déploiement partout sur le territoire.
Le flottant représente-t-il l’avenir du solaire en France ? Sans aucun doute, pour Sylvain Roche, docteur en sciences économiques, spécialiste des énergies marines et de la « croissance bleue », qui met en avant « des raisons économiques mais aussi d’acceptabilité sociale ». « Au regard des surfaces qu’il nécessite, le développement des centrales solaires peut engendrer des conflits d’usage avec les terres agricoles et affecter la biodiversité. […] L’objectif [est] d’intégrer le solaire flottant à des espaces déjà artificialisés pour répondre aux deux grands défis écologiques que connaissent les sociétés : la préservation des terres agricoles et la production d’énergie décarbonée ».
Coûts de maintenance inférieurs
De moins en moins chère à produire, l’énergie photovoltaïque jouit effectivement d’un bilan environnemental bien meilleur qu’il y a quelques années, grâce aux dernières innovations. Si bien que l’Agence internationale de l’énergie (AIE) prévoit qu’en 2022, la capacité photovoltaïque mondiale atteindra entre 740 et 880 GW, pour une production dépassant 1 000 térawattheure par an (contre 100 TWh en 2012). En France, la technologie intéresse bien évidemment les acteurs traditionnels de l’énergie. Au premier rang desquels EDF Renouvelables, le premier producteur d’énergies vertes en Europe, qui a remporté en août dernier un lot pour construire une centrale flottante dans les Hautes-Alpes, sur la retenue d’eau de Lazer (20 MW).
L’électricien, qui ambitionne de peser 30 % du marché de l’énergie solaire en France dans les prochaines années, pourrait même compter sur ses nombreuses étendues d’eau artificielles pour multiplier les projets de photovoltaïque flottant. Le groupe exploite actuellement 20 GW de barrages hydrauliques, qui lui offrent une centaine de retenues d’eau sur le territoire, et étudie actuellement en interne ce potentiel, révèle Xavier Daval, chargé du solaire au sein du Syndicat des énergies renouvelables. Qui explique : « Le solaire n’aura jamais une forte densité, donc aller chercher des surfaces non utiles comme les étendues d’eau artificielles fait sens ».
Meilleur rendement par rapport au solaire terrestre, faible impact (voire aucun) sur la biodiversité, le photovoltaïque flottant offre également des coûts de maintenance inférieurs et, par conséquent, une rentabilité supérieure à celle de son homologue sur terre. Et il existe, dans l’Hexagone, outre les propriétés foncières d’EDF, un réel potentiel pour implanter cette technologie, entre les bassins d’irrigation, les réserves d’eau ou les anciennes carrières (comme à Piolenc). Ce qui permettrait de ne pas toucher aux Zones d’aménagement concertées (ZAC) et aux terres agricoles. Mais également de remplir les objectifs de transition énergétique de la France, alors que la consommation en énergie, au plan mondial, est passée de 20,4 gigatonnes de CO2 en 1990 à 33,2 gigatonnes l’an dernier, rappelle l’AIE.