Quand l’intelligence collective se met au service de l’entreprise
Plus qu’un simple effet de mode, la tendance à l’intelligence collective semble s’installer durablement dans le monde du travail. De plus en plus de sociétés et de grands groupes mettent en place des dispositifs collaboratifs pour impliquer leurs salariés, mais aussi leurs clients dans la stratégie d’entreprise.
« Seul, on va plus vite. Ensemble, on va plus loin. » À en croire le proverbe africain, rien ne serait plus efficace dans la durée que le travail d’équipe. Plus de 23 siècles après Aristote, qui disait déjà que le tout est plus que la somme des parties, la force de l’union retrouve de sa splendeur à travers le concept d’intelligence collective, devenu quasi-incontournable dans la sphère professionnelle. Dans un contexte de compétitivité accrue entre entreprises et entre individus eux-mêmes, l’humain semblait avoir peu à peu perdu de son importance face à la quête de productivité et de rentabilité qui peut écraser les compétences individuelles. L’apparition de modes de management plus horizontaux, laissant plus de place à la consultation, à la confiance et à l’échange avec les employés, montre le retour de la valeur croissante accordée au travail collaboratif. « L’intelligence collective représente la capacité intellectuelle d’une communauté d’individus qui est issue des interactions entre ses membres, permettant d’effectuer des tâches complexes grâce aux synergies réalisées, peut-on lire en définition. Dans le monde du travail, c’est une réalité quotidienne puisque le principe-même de l’entreprise est de faire travailler ensemble des membres aux profils divers dans un objectif commun. Elle a un impact direct sur la réussite d’un projet et la performance globale de l’entreprise. Bien souvent, les entreprises raisonnent donc en intelligence collective sans le savoir. »
Un impact positif reconnu par une majorité d’employés
Source de réussite, d’innovation et de motivation, l’intelligence collective passe par une palette d’outils sans limite, mais qui vise à exploiter au mieux le potentiel des acteurs d’une même structure. Plate-forme intranet ou extranet, réseau social d’entreprise, logiciels de messagerie ou de travail en commun, management partagé, hackathons, boîtes à idées, team building, séminaires, coaching, télétravail, coworking… Plusieurs de ces solutions font désormais partie du quotidien des entreprises françaises pour démultiplier les performances et générer l’engagement des salariés, clients et fournisseurs. Une condition : le dialogue et l’écoute de l’ensemble des effectifs pour pouvoir faire ressortir le meilleur de chacun. Plus que de la communication ou qu’une simple technique de management, le recours à l’intelligence collective fait réellement ses preuves en France, chiffres à l’appui. D’après une récente étude réalisée par l’Ipsos et l’agence de co-meeting OpenMind Kfé, un salarié sur trois (33 %) aurait observé un changement dans les méthodes de travail de son entreprise durant les deux dernières années. 30 % ont également constaté une réduction des coûts, 15 % une évolution de la qualité de vie au travail et 11 % dans les pratiques de management.
Plus marquant encore : 28 % des sondés déclarent travailler en mode collaboratif au quotidien et 47 % de temps en temps. 51 % des salariés interrogés pensent également que le collaboratif est avant tout un état d’esprit et des valeurs, et 58 % jugent la culture de la collaboration en progrès dans leur entreprise. Cette proportion atteint même 69 % chez les moins de 35 ans et 73 % chez les cadres. Le travail collaboratif aurait un impact positif sur le partage des connaissances pour 69 % des participants au sondage, sur la productivité des équipes (65 %), la résolution des problèmes (62 %), la motivation des salariés (60 %) et la créativité (59 %). Comme le confirme Véronique Lacour, Directeur Exécutif Groupe Transformation et Efficacité Opérationnelle chez EDF « dans les équipes où cette intelligence collective a été mise en œuvre (dans les Centres de Services Partagés RH et Comptabilité par exemple), nous avons clairement vu la performance s’améliorer et les équipes sont plus impliquées. Les salariés comprennent mieux ce qu’on attend d’eux et comment leurs idées et leurs actions peuvent améliorer la performance de l’équipe. Les salariés se sentent écoutés, entendus, responsabilisés et autonomes. »
L’expérience-client comme leitmotiv
« Lorsqu’il s’accompagne d’une transformation culturelle et organisationnelle de l’entreprise, l’impact du travail collaboratif est perçu comme largement positif sur le travail au quotidien, analyse Julia Pironon, directrice clientèle au sein d’Ipsos LEAD. C’est particulièrement vrai sur le partage des connaissances, mais aussi la productivité. Le collaboratif peut ainsi être envisagé comme un levier clé de réduction des coûts, qui constitue un défi majeur pour les entreprises. » Mais l’intelligence collective ne se limite pas aux salariés d’une entreprise. Cette pratique va même plus loin en associant les clients aux projets et à la stratégie de la marque. Elle s’inspire de l’expérience-client, qui consiste à se mettre à la place des consommateurs pour développer une offre proposant non seulement les meilleurs produits et services, mais aussi des expériences uniques qui se distingueront de la concurrence. On pense notamment à Uber, Amazon ou Netflix, qui ont révolutionné leur secteur respectif. Cette « culture client » est désormais prisée des entreprises qui sollicitent la contribution de leurs clients pour améliorer leurs produits et services, et donc leur rendement. C’est le cas de Châteauform, qui a mis en place un système de coworking permettant à ses salariés d’échanger régulièrement avec d’autres professionnels par région ou par métier.
Les grands groupes aussi ont pris conscience du potentiel de développement lié à l’expérience client. Air France a ainsi lancé en décembre 2017 sa Digital Factory, qui rassemble outils et expertises pour accompagner les salariés dans la transformation digitale de l’entreprise et incuber des projets digitaux visant à améliorer l’expérience de voyage des clients. EDF a pour sa part conçu la plate-forme Pulse&You, accessible aux agents du groupe comme aux particuliers pour recueillir leurs idées d’innovation. Ulo, caméra de surveillance connectée en forme de chouette, est l’un des derniers-nés de ce programme qui met en lien les clients avec les équipes internes et les start-up qui développent les nouveaux produits et services. Chez Eiffage, la quête d’innovation a pris la forme d’un concours baptisé Immo-Inno. Pour sa première édition, le challenge a enregistré 262 propositions d’employés pour mieux coller aux besoins des consommateurs. Un début prometteur à l’image d’une tendance au collaboratif bien partie pour durer !