Mutuelles : toujours plus de rapprochements
Pour les assurances et les mutuelles, l’heure est plus que jamais au rapprochement, à la création de super groupes qui permettent de fusionner compétences et clients. A contrario, certains acteurs préfèrent poursuivre leur chemin en solo. Un risque à prendre qui n’est pas toujours couronné de succès…
A plusieurs, on est plus forts. Tel est l’adage des grands groupes de mutuelles et d’assurances, qui ont pris le parti de se rapprocher, s’associer, voire de fusionner pour garder une offre forte et compétitive pour le public et continuer d’engranger des bénéfices. Premier à ouvrir le bal, le Groupe Vyv, créé le 13 septembre 2017 grâce au rapprochement entre les groupes MGEN, Istya et Harmonie, après trois ans de négociations. Un « super groupe » destiné à représenter un sixième du marché de la complémentaire santé. Son objectif ? Devenir un « acteur de santé global », dixit son président, Thierry Beaudet. Une dynamique bientôt suivie d’exemples, car désormais la plupart des groupes de mutuelles se rassemblent pour ne plus être isolés.
Le jeu des grandes alliances
C’est le cas de la démarche engagée par Alliance Pro, créée quant à elle le 4 avril dernier, fusion de six groupes de protection sociale : Audiens, Agrica, B2V, IRP Auto, Lourmel et Pro BTP, après près de cinq années de discussions et de retournements de situation. Alliance Pro se divise en deux institutions : Alliance professionnelle Retraite Agirc, pour les salariés et Alliance professionnelle Retraite Arrco, pour les cadres. Le tout permettra de « pouvoir lisser les pics d’activité entre membres et de mutualiser certains investissements », explique Eric Breux, le directeur du pôle Entreprises et Institutions pour le groupe Audiens.
Le 1er janvier 2019, ce sera le rapprochement de deux autres groupes de protection sociale, Humanis et Malakoff Médéric, tous deux spécialisés dans la santé, la prévoyance, l’épargne et la gestion de la retraite complémentaire. « Le rapprochement créerait un groupe financièrement très solide »3, précisent les deux mutuelles. « Nous voulons constituer un acteur majeur de la protection sociale, pour mieux servir l’ensemble de nos clients (…) et pour offrir plus d’opportunités à nos collaborateurs », ajoute Olivier Mesnard, directeur général d’Humanis. Une vision partagée par son homologue de Malakoff Médéric, Thomas Saunier : « Ce projet de rapprochement va permettre de construire un groupe plus fort, confortant la pertinence de notre modèle, améliorant la protection sociale de nos clients (…), accélérant notre capacité d’innovation et renforçant notre culture de service ».
Un chemin qui va également être emprunté par la Mutuelle des Sportifs et le groupe Mutuelle Générale de l’Education Nationale (ou MGEN), qui viennent d’engager des discussions en vue d’un futur rapprochement, soulignant « la même vision de l’importance clé du sport pour la qualité de vie et la santé des Français, la même ambition de promouvoir tous types d’activités physiques au sein des fédérations, entreprises, écoles (…) et une même volonté de développer des solutions innovantes de promotion du sport santé ». On ignore encore quand ces négociations aboutiront et si oui, quel nom ce nouveau groupe dédié au sport pourra bien prendre.
Jouer solo, un risque certain
Mais dans cette succession de grandes manoeuvres, certains paris peuvent s’avérer perdus. Quitter un groupe pour un autre ou tenter l’aventure en solo est un risque dont les conséquences financières peuvent être redoutables. C’est ce qu’a appris à ses dépens la mutuelle de la presse, de la communication et du spectacle uMen (anciennement mutuelle Audiens du groupe du même nom). Elle avait choisi de quitter son groupe d’origine en adressant une lettre à tous ses adhérents en janvier 2017, dévoilant son nouveau nom, indiquant son envie d’autonomie et son choix d’intégrer le groupe mutualiste Vyv. Une volonté qui a été mal perçue par ses adhérents.
Résultat, la mutuelle a dû faire face à de nombreuses défections : 1 100 clients ont résilié leurs abonnements en 2017 et plusieurs partenaires ont rompu leurs contrats selon la presse spécialisée. En tout, le chiffre d’affaires de la mutuelle a baissé de 12,7%, passant de 53,6 millions d’euros en 2016 à 46,6 millions en 2017. L’année 2018 ne serait pas meilleure, selon les premières estimations de la direction.
D’autres contraintes s’ajoutent à celle du départ : le centre de santé est réputé dans la tourmente depuis des années et serait en déficit dans toutes ses activités.
Le cas AG2R La Mondiale vs Arpège prévoyance
Mais l’une des illustrations les plus manifestes des conflits qui peuvent naître de la création de groupes prudentiels est celui qui oppose AG2R La Mondiale à Arpège Prévoyance, en Alsace. Comme dans le cas uMen, Arpège Prévoyance a mis en avant une quête d’autonomie pour justifier ses volontés de départ. Mais l’opposition va bien au-delà du simple conflit entre nationalisme et régionalisme. Problème de transparence, démandatement d’administrateurs, la divergence de point de vue s’est rapidement muée en conflit ouvert.
Depuis l’an dernier, la situation est devenue délicate : deux conseils d’administration se partagent la direction du groupe de protection sociale et prenant des décisions antagonistes. Le premier fidèle à AG2R La Mondiale, porté par les confédérations syndicales au niveau national. Le second, appuyé sur quelques représentants de syndicats locaux, qui présentaient des velléités d’autonomie.
La situation aura été finalement résolue au niveau judiciaire par le Tribunal de Grande Instance de Mulhouse qui a invalidé les décisions des deux conseils d’administrations. La justice a par ailleurs donné raison à la primauté de l’échelon national en jugeant « régulier » le démandatement de neuf membres du conseil d’administration, tous fidèles au projet sécessionniste. Une décision qui a de quoi rassurer les adhérents : en cas de retrait du groupe AG2R, tout semblait indiquer que ces derniers auraient été les premières victimes d’un départ. Les parties semblent avoir opté pour des modalités de fonctionnement plus harmonieuses.
Et ce n’est pas terminé !