Evasion fiscale : Macron joue-t-il double jeu ?

Evasion fiscale : Macron joue-t-il double jeu ?

Tandis qu’Emmanuel Macron s’évertue à mettre en place un système de taxation des géants du numérique au niveau européen, Air France, dont l’Etat français est actionnaire majoritaire, s’associe avec Airbnb qui pratique ouvertement l’évasion fiscale dans l’Hexagone afin d’échapper à la fiscalité française.

La polémique Airbnb commençait à se faire oublier en France. Il aura suffi d’un simple partenariat pour remettre le feu aux poudres. Air France a annoncé, fin septembre dernier, que sa filiale Joon s’était accordée avec la plateforme américaine de locations immobilières pour proposer aux voyageurs de nouvelles expériences.

Dès cet automne, des vols moyen-courriers et, dès l’été prochain, des vols long-courriers seront proposés aux 18-35 ans — classe d’âge à qui souhaite s’adresser la compagnie low cost. Le but ? Susciter l’intérêt des « Millenials », qui « ont été les premiers à utiliser Airbnb, attirés par la possibilité de réserver des logements uniques, à tous les prix, partout dans le monde » selon Emmanuel Marill, directeur Airbnb France.

L’entreprise, on s’en souvient, avait suscité une vive controverse, il y a quelques années, en prenant d’assaut la capitale française, qui était rapidement devenue la première destination de ses utilisateurs. Avec, à l’arrivée, quelques désagréments pour le monde de l’hôtellerie et la mairie de Paris : des quartiers inondés d’appartements promis à la location courte durée, un manque conséquent de logements durables accompagné d’une hausse des prix de l’immobilier et une concurrence déloyale aux hôteliers qui ont vu leurs établissements être désertés.

Anne Hidalgo, la maire de Paris, avait choisi de prendre les choses en main en initiant une vaste réflexion sur la nécessité d’encadrer les activités d’Airbnb — une problématique qui reste toujours d’actualité aujourd’hui.

Et qui prend une autre tournure maintenant qu’Air France, dont l’Etat français est actionnaire majoritaire à hauteur de 17,6 %, s’associe à la plateforme. Celle-ci n’a-t-elle pas un mis en place un processus d’évasion fiscale via l’Irlande et peu raccord avec la politique qu’entend mener Emmanuel Macron ?

Le président de la République s’est clairement déclaré favorable, au niveau européen, à une taxation des GAFA — ces géants de l’Internet que sont Google, Amazon, Facebook et Apple, et dont pourrait faire partie Airbnb. Il y a désormais, d’un côté, la volonté affichée de mettre fin à des pratiques anti-concurrentielles et, de l’autre, une permissivité de fait, rendue possible par un partenariat à la philosophie douteuse.

«Airbnb ne crée quasiment aucun emploi en France»

Un grand écart que ne pourra plus assumer longtemps le locataire de l’Élysée. Le précédent de la SNCF nous le rappelle. L’entreprise avait noué un partenariat semblable à celui d’Air France, en 2015, afin de proposer aux voyageurs de louer sur Airbnb leur logement pendant leurs vacances. Une association pour le moins critiquable, dénoncée à l’époque par les syndicats hôteliers, qui s’étaient dit « choqués et en colère » qu’une « entreprise publique subventionnée par l’Etat » devienne partenaire d’une « multinationale destructrice d’emplois » et qui « ne respecte pas les règles fiscales ». Une sortie de rail qui avait obligé les dirigeants de la SNCF à faire machine arrière.

Deux ans plus tard, le secteur de l’hôtellerie n’a pas réagi différemment à l’annonce d’Air France. « Comment peut-on accepter un partenariat entre une filiale d’Air France subventionnée à hauteur de plusieurs milliards d’euros par l’Etat et [donc] les contribuables français, et la plateforme Airbnb qui propose de nouveaux services payants ? » se sont en effet interrogés Didier Chenet, président du Groupement national des indépendants de l’hôtellerie restauration (GNI) et Jean-Bernard Falco, président de l’Ahtop, dans une lettre ouverte cosignée à l’attention du président d’Air France. Dont le but était de s’assurer, ni plus ni moins, que le principe de concurrence loyale soit respecté.

« A l’heure où le ministre de l’Economie, Bruno Lemaire, déclare que la situation fiscale en France des plateformes numériques comme Airbnb est “’inacceptable”’ […] nous, professionnels du tourisme, ne comprendrions pas qu’Air France […] n’ait pas assorti ce partenariat de clauses visant au strict respect des règles sociales et fiscales françaises ». Pour rappel, la « multinationale [Airbnb] use de toutes les failles du système fiscal français pour ne déclarer que 2 % de son chiffre d’affaires en France et ne créer quasiment aucun emploi » précisent Didier Chenet et Jean-Bernard Falco. Une pratique bien éloignée des exigences d’Emmanuel Macron pour redresser l’économie du pays.

J. Daigneault

 

La Rédaction

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