Les femmes africaines au cœur du développement du secteur touristique
Sans bruit, l’Afrique explore avec succès une facette de son économie qui n’est pas liée à l’exploitation de matières premières : le tourisme. Le nombre de touristes sur le continent est en progression constante et les pays voient les devises étrangères affluer. Un secteur dans lequel les femmes jouent un rôle essentiel.
À la recherche d’une activité économique pérenne qui ne repose pas uniquement sur l’extraction des ressources, l’Afrique a certainement trouvé une pépite grâce au tourisme. Les revenus issus de ce secteur sont en pleine croissance (166 milliards de dollars en 2014 contre seulement 69 milliards en 1995) et promettent d’augmenter encore dans les prochaines années. Au cours de la même période, le nombre de touristes a crû de 6 % par an en moyenne avec, il est vrai, de grandes disparités entre les pays.
Des locomotives africaines présentes et en devenir
Les États les plus stables politiquement, ou qui ont déjà une grande réputation en termes de capital touristique et culturel, sont bien évidemment parmi les premiers à attirer les voyageurs. L’Afrique du Sud, l’ile Maurice, le Maroc, l’Égypte et le Kenya s’installent aux cinq premières places de la compétitivité touristique selon le dernier classement publié par le Forum économique mondial. Mais de nouveaux acteurs font valoir leur potentiel, à l’image du Rwanda qui mise sur un tourisme de luxe, notamment avec la découverte très encadrée des gorilles sauvages pour la modique somme de 1 500 dollars par personne. Une stratégie de développement qui porte ses fruits puisqu’ils sont 1,2 million d’étrangers à venir chaque année visiter les richesses du pays aux mille collines.
Madagascar, le Cap Vert, la Tanzanie et le Kenya ont enregistré une croissance à deux chiffres du nombre de touristes en 2016, mais c’est encore une fois l’Afrique du Sud qui tire son épingle du jeu avec une politique active pour attirer les visiteurs chinois. Désormais, près de 10 % d’entre eux jettent leur dévolu sur l’Afrique plutôt que sur l’Asie ou l’Europe. Afin d’en capter une bonne partie, L’Afrique du Sud a implanté sept antennes consulaires en Chine pour faciliter l’obtention de visa. Le résultat est spectaculaire puisque plus de 7 000 touristes chinois viennent visiter l’Afrique du Sud chaque mois, soit une hausse de 93 % entre 2015 et 2016. Le Maroc puis la Tunisie ont suivi cet exemple en allant plus loin encore avec la suppression du régime de visa pour les touristes issus de l’Empire du Milieu.
Les femmes comme moteur du développement
Les États africains mettent en place des stratégies pour attirer des touristes de plus en plus nombreux — 58 millions sur l’ensemble du continent en 2016 — et cela profite directement aux populations. Contrairement à l’extraction minière par exemple, le secteur du tourisme nécessite nombre d’emplois locaux dont 47 % sont occupés par des femmes selon le rapport 2017 de la CNUCED (Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement) portant sur le tourisme en Afrique. Ces femmes sont généralement jeunes (moins de 25 ans) et constituent une force de travail particulière puisqu’elles représentent 30 % des chefs d’entreprises de ce secteur. Au Botswana et en Éthiopie, le phénomène est plus important encore avec plus de 50 % des entreprises dans l’hôtellerie et la restauration dirigées par des femmes.
Ces chiffres positifs ne doivent pourtant pas occulter une réalité souvent plus compliquée pour les femmes. Ainsi, au même Botswana, l’écart de salaire dans le tourisme entre les deux sexes peut être de 57 % en faveur des hommes. L’accès au financement est également plus difficile pour les femmes, lesquelles détiennent moins souvent un compte bancaire. La réduction par le haut de ces différences est prise au sérieux par certains gouvernements et ONG comme la Fondation Children of Africa, créée par la Première Dame de Côte d’Ivoire, Dominique Ouattara. Cette association vise notamment à aider les femmes à créer des activités économiques au sein de leur communauté. Une manière efficace de créer des commerces ou de la production de produits artisanaux à destination des touristes étrangers. Il s’agit là d’un axe de développement intéressant, comme le souligne le rapport de la CNUCED.
En effet, la découverte des cultures locales y est présentée comme une dimension du secteur touristique très prometteuse, dans laquelle les femmes ont par exemple la possibilité de fabriquer des objets artisanaux et de les vendre sur place à des voyageurs qui suivent un circuit hors des sentiers battus. Cela ouvre un dernier point sur lequel les différents ministères du Tourisme doivent être particulièrement vigilants : les tours organisés. L’arrivée de plus en plus massive de touristes, notamment chinois, est concomitante de l’explosion de tours « all inclusive » où les visiteurs paient leur tour opérateur avant le départ et dépensent peu une fois sur place.
Pour contrer ces circuits sans importantes retombées économiques pour les acteurs locaux, plusieurs gouvernements travaillent à l’interdiction de ce type de tours. Une manière de favoriser un tourisme plus authentique, privilégiant un véritable contact avec les populations locales.
François Balamat