Afrique : une télévision en transition
Ces dernières années, le développement économique de l’Afrique a favorisé l’augmentation du nombre de téléviseurs sur le continent. Désormais média incontournable, au rôle social et culturel important, la télévision africaine a récemment entamé une révolution numérique jusqu’ici laborieuse.
Un secteur dynamique
Début juin, le groupe chinois StarTimes annonçait fièrement par voie de communiqué compter désormais 7 millions d’abonnés à ses différentes chaines de télé distribuées en Afrique, selon les derniers chiffres relevés en avril dernier. Reçus dans 13 pays, les bouquets de télévision proposés StarTimes sont payants et leur succès fait montre d’un véritable dynamisme du secteur audiovisuel en Afrique.
Créées après la décolonisation, les premières chaines de télévisions africaines se sont montées avec d’une part la volonté des pouvoirs politiques d’avoir un nouvel organe médiatique à leur disposition et d’autre part l’aide financière provenant d’anciennes puissances coloniales, notamment la France.
Jusqu’à 1990, le paysage audiovisuel était principalement marqué par la présence de télévisions nationales. La libéralisation de l’audiovisuel, arrivée au début des années 1990, a permis au secteur de s’ouvrir à la concurrence et aux Africains de bénéficier d’une offre enrichie de chaines de télévision privées.
Ces dernières années, les entreprises étrangères ont été nombreuses à investir pour s’imposer en Afrique et pénétrer un marché audiovisuel florissant. A l’image de StarTimes qui a commencé a distribué son offre dès 2004, le groupe Canal+ est également très actif en Afrique via notamment sa chaine A+.
Un pouvoir social et culturel important
L’Afrique compte aujourd’hui quelques 110 millions de foyers équipés d’un téléviseur. Les professionnels tablent sur une augmentation de 20 millions de postes d’ici à 2020, rien qu’en Afrique subsaharienne. Cette croissance s’accompagne d’une multiplication et d’une diversification des programmes proposés aux Africains.
La télévision africaine fait figure de canal éducatif, sur lequel certains pays se sont longuement appuyer pour renforcer leur politique d’alphabétisation. Baptisée « télévision scolaire », cette dernière fut adoptée notamment par le Sénégal, le Niger ou encore le Mali dans les années 60. Encore aujourd’hui, la télévision permet à l’Afrique francophone de soutenir la formation de sa jeunesse.
Dernier exemple en date, le lancement le 11 juin dernier en Afrique francophone de Tivi5Monde, la chaine jeunesse de TV5Monde. Parrainée par Dominique Nouvian, Première Dame de Côte d’Ivoire et déjà disponible aux Etats-Unis depuis 2012, cette chaine est diffusée sans publicité et propose des programmes riches, à la fois divertissants et pédagogiques qui permettent aux enfants africains de continuer d’apprendre chez eux.
« Pour que les enfants fassent le choix du français, il faut soutenir cette langue en Afrique », déclare Yves Bigot, directeur général de TV5 Monde. Les dessins animés ont également leur place avec la diffusion de nombreuses productions francophones, comme Titeuf ou Lucky Luke. Si les contenus déjà diffusés par la chaine depuis 2012 ne devraient pas changer, ils seront également enrichis de productions africaines.
En Afrique, la télévision permet à la fois d’affirmer la culture, la modernité ainsi que la puissance d’un pays. Les productions locales font aujourd’hui plus que jamais figure de vitrines d’une Afrique en pleine croissance, qui tend à diversifier son économie en l’éloignant d’un pétrole en crise et en trouvant des nouveaux leviers économiques pour garantir son essor sur la durée.
La production de programmes africains se développe, s’exporte de plus en plus à travers le continent et le monde, permettant à l’Afrique de jouir d’une nouvelle manne financière et d’attirer les investisseurs étrangers. Mais pour aller plus loin, la télévision africaine doit aujourd’hui réussir le virage du numérique, complexe mais nécessaire à son développement.
Une révolution numérique difficile
En 2006, trente pays africains se sont engagés à délaisser la télévision analogique au profit d’une diffusion numérique. Pour l’Afrique, cette transition promet plein d’avantages. Elle va déjà permettre d’asseoir l’idée d’un accès universel à l’information. Beaucoup moins chère que la fibre, la TNT gratuite reste jusqu’ici un moyen peu coûteux pour généraliser l’accès à la télévision en Afrique.
La télévision numérique offre également un bouquet de chaines plus important et une qualité d’image améliorée. Son déploiement est d’autant plus requis qu’il arrive à un moment où le réseau analogique et les infrastructures dédiées se voient dépassés d’un point de vue technique par les nouveaux équipements disponibles sur le marché. En cas de panne, le manque des pièces adéquates rend désormais les réparations difficiles.
Sur la trentaine de pays qui s’était prononcée pour une mutation vers un modèle de télévision numérique, cinq auraient pour le moment réussit à faire la bascule, quand vingt affirment avoir entamé le processus de transition. Le délai décidé en 2016 était fixé au mois de juin 2015 et n’a donc pas pu être tenu pour la majeure partie des pays engagés dans cette transition.
Un calendrier trop ambitieux pour certains, un manque de moyens nécessaires pour d’autres, les pouvoirs publics et les professionnels tablent désormais sur 2020 pour voir la télévision numérique terrestre arriver dans l’ensemble de ces pays. Pour permettre aux Africains vivant en zone subsaharienne de s’équiper de matériel numérique, la Banque Mondiale n’a pas hésité à mettre la main à la poche et à accorder des subventions.
Ce tournant numérique devrait représenter entre 200 et 300 millions d’euros d’investissements pour les gouvernements africains et encore plus selon certains observateurs. Des fonds que l’Afrique va devoir mobiliser et qui lui permettront in fine de disposer d’une télévision moderne, capable d’accompagner comme il se doit son développement.