L’économie durable au secours du marché du travail
Après une baisse en septembre dernier, en octobre 2015, le nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A, c’est-à-dire sans aucune activité, en France métropolitaine, est en hausse sur un mois (+1,2 %). C’est la plus forte hausse enregistrée depuis septembre 2013 (+1,6 %). Le chômage de masse structurel semble s’imposer comme une composante incontournable de notre système. En parallèle, rapports et analyses se multiplient pour dire qu’un secteur peut changer les choses et créer des emplois : celui de l’économie verte.
L’économie verte n’en finit pas de séduire les spécialistes. Selon le Programme des nations unies pour l’environnement (PNUE), l’économie verte est une économie qui entraîne une amélioration du bien-être humain et de l’équité sociale, tout en réduisant de manière significative les risques environnementaux et la pénurie de ressources. Rien que ça.
De fait, les constats opérés par l’analyse des stratégies nationales (stratégie nationale de développement durable – SNDD, stratégie nationale de transition écologique vers un développement durable – SNTEDD) et des sommets internationaux (constats remis à l’ordre du jour dans le travail préliminaire à la COP 21) débouchent sur l’idée que les réponses à ces différentes crises doivent être traitées conjointement. Plutôt que de voir la France comme un pays faisant face à plusieurs crises et défis, il s’agit de plus en plus de développer une vision transversale qui permet de regrouper ces crises et défis et de toutes les traiter dans le même temps. Une dynamique qui permet aux politiques aux niveaux national, européen et international de converger pour affirmer clairement la nécessité d’une réorientation du modèle économique et mettre en œuvre, encadrer et soutenir les initiatives autour de la croissance durable.
En plus de la dimension environnementale incontestable, la création d’emplois dans « l’économie verte » est une source d’espoir pour les pouvoirs publics. Ils veulent utiliser le développement de nouvelles technologies, des énergies renouvelables, de modes de production plus propres, ou encore d’une agriculture plus durable comme levier de croissance dans le monde.
Le pari est loin d’être idiot. Il y a déjà une réalité factuelle : 13 % des offres déposées par les employeurs à Pôle emploi concernent les métiers de l’économie verte. Les conséquences sur l’emploi sont significatives et englobent plusieurs aspects : l’économie verte fait émerger de nouvelles professions, elle nécessite également l’acquisition de nouvelles compétences et modifie la hiérarchie des professions qui recrutent. A la pointe du développement (la « durabilité » étant, en outre, soutenue par le public), le volume d’emplois liés à l’économie verte va inévitablement croître. L’OIT dans son rapport Vers le développement durable : travail décent et intégration sociale dans une économie verte (2012) estimait que « la transition vers l’économie verte pourrait générer jusqu’à 60 millions d’emplois » dans le monde, avant d’ajouter qu’au moins la moitié de la main d’œuvre mondiale, c’est-à-dire l’équivalent de 1,5 milliard de personnes, sera « affectée par la transition vers une économie verte ».
Le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) définit les métiers verts, des « emplois dans l’agriculture, l’industrie manufacturière, la recherche et développement, l’administration et les services » qui contribuent de manière substantielle à préserver ou à restaurer la qualité de l’environnement. Ils affichent une dynamique plus marquée que dans l’ensemble de l’économie (+ 0,5 %).
Sur la période 2004-2012, l’emploi dans les énergies renouvelables a fortement augmenté (+ 11,6 %) essentiellement dynamisé par l’installation de panneaux photovoltaïques. Mais ces emplois ne sont pas les seuls à bénéficier de ce développement axé autour de la décarbonisation de la production et de la durabilité. Les activités périphériques évoluent elle-aussi pour tenir compte des problématiques environnementales, et connaissent une augmentation de l’emploi plus rapide que dans l’ensemble de l’économie (+ 6,3 %). Une étude sur l’emploi que l’on doit à l’économiste Philippe Quirion en 2013 parle de la création nette d’emplois de 220 000 à 330 000 en 2020 et de 570 000 à 820 000 en 2030. On parle de métiers « potentiellement verdissants », et estime aujourd’hui que huit secteurs d’activité vont connaitre une révolution majeure à la fois dans leur exercice et dans leurs métiers : l’agriculture, l’industrie forestière, la pêche, l’industrie manufacturière fortement consommatrice de ressources, le recyclage, le bâtiment et les transports et l’énergie.
La création d’emplois verts dépend de l’implication des pouvoirs publics et des entreprises. Or, dans ce dernier secteur, particulièrement mobilisé, les succès se sont multipliés (énergie solaire, éolienne, smart grids…). La dernière campagne d’ERDF autour de ces compteurs intelligents est un bon exemple de solution transversale, embrassant à la fois une production propre et ajustée, une meilleure prise en charge de la consommation des utilisateurs, et une création substantielle d’emplois.
L’entreprise prévoit d’installer à partir du 1er décembre 35 millions de compteurs opérables à distance dans toute la France (fin du projet : 2021). Toutes les données recueillies par l’ensemble des compteurs Linky seront analysées afin d’optimiser la production locale d’énergie et d’éviter le gaspillage, tout en permettant aux ménages un meilleur suivi et une adaptation de leur consommation. Le projet est de plus porteur en matière d’emplois. L’ensemble des contrats de pose devrait permettre la création de 5000 postes locaux, directement liés au développement vert. La totalité des matériels sera également construite en France. Les partenaires industriels installent donc des usines sur le sol tricolore, ce qui devrait créer environ 5000 emplois, dits périphériques. Au total, on attend la création de 10 000 emplois en France, non délocalisables.
Les prévisions sont nettement élargies si on prend en considération les retombées périphériques. On ne compte plus les success stories similaires qui viennent tordre le cou à l’idée selon laquelle il n’y aura plus de travail pour tous en raison des gains de productivité passés, de l’automatisation et de la nécessaire décroissance de notre pression écologique. Il faut néanmoins pour cela embrasser le changement plutôt que de le combattre. Aujourd’hui, nombreux sont les professionnels issus de secteurs très variés qui cherchent à limiter les impacts de leur activité sur l’environnement. Cette nouvelle sensibilisation à l’environnement et au développement durable oblige à une modification des services et de la structure des acteurs qui les fournissent. Ce sera le principal moteur de la création d’activité pour les années à venir. Pour paraphraser Malraux, le plein emploi au 21ème siècle sera écologiste, ou ne sera pas.