Le paquet neutre de nouveau (massivement) rejeté par le Sénat : Marisol Touraine en tirera-t-elle les leçons ?

Le paquet neutre de nouveau (massivement) rejeté par le Sénat : Marisol Touraine en tirera-t-elle les leçons ?

L’examen du texte du projet de loi Santé défendu par Marisol Touraine doit s’achever le 2 octobre. Il fera l’objet ensuite d’un vote solennel le 6 octobre. Mesure phare du projet de loi, le paquet neutre n’en finit pas de faire débat, et suscite l’exaspération des buralistes, qui manifestaient en nombre mardi 8 septembre. Supprimée le 22 juillet en commission des Affaires sociales du Sénat, la mesure a de nouveau été rejetée par le Sénat ce mercredi 16 septembre, par 228 voix contre… 16. Un vote en forme de véritable sanction qui, souhaitons-le, devrait alerter Marisol Touraine sur le manque de pertinence de la mesure. 

Députés et sénateurs divisés sur le paquet neutre

Les 26 000 buralistes français étaient appelés à manifester mardi 8 septembre dans plus de 80 villes françaises contre le paquet neutre, que Marisol Touraine, ministre de la Santé, entend réintroduire dans son projet de loi Santé, actuellement à l’étude au Sénat. A la suite de la suppression de cet amendement en juillet dernier, à l’initiative du sénateur socialiste et président du Comité national anti-contrefaçon, Richard Yung, la ministre de la Santé avait réagi en indiquant en effet son intention de déposer de nouveau un amendement dès septembre pour réintroduire la mesure. « La santé mérite mieux que ces petits jeux politiques, avait-t-elle déclaré sur France Info. Le texte arrivera à l’examen au Sénat en septembre, je déploierai toute la conviction que je peux avoir parce que c’est pour moi un engagement fort et personnel. ». Il semblerait que ça n’ait pas suffit. Les sénateurs ont de nouveau rejeté sa proposition.

Marisol Touraine savait pourtant qu’elle manquait de soutiens sur les bancs du Parlement. Le président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, Bruno Le Roux, avait ainsi annoncé qu’il était favorable à des mesures garantissant la « pérennité » des buralistes. « La majorité parlementaire est très sensible à la situation des buralistes, dont beaucoup, situés près des zones frontalières, dans les quartiers et les zones rurales éprouvent des difficultés ».

En effet, plutôt que de se borner à susciter le dégoût des jeunes grâce à des images « choc », le groupe communiste au Sénat prône quant à lui une politique de sensibilisation. Sur le tabac comme pour l’alcool, « nous sommes pour un travail de prévention », déclarait ainsi Eliane Assassi, sénatrice de Seine-Saint-Denis et présidente du groupe au Sénat. « Or, dans ce projet de loi, il n’y a aucun moyen accordé à la prévention ». Il n’est pas trop tard pour que Marisol Touraine entende ces voix, surtout devant l’échec de la mise en œuvre de ce même paquet neutre en Australie.

Bilan australien décevant 

« Les unités de conditionnement, les emballages extérieurs et les suremballages des cigarettes et du tabac à rouler, le papier à cigarette et le papier à rouler les cigarettes sont neutres et uniformisés. Un décret en Conseil d’Etat fixe leurs conditions de neutralité et d’uniformisation, notamment de forme, de taille, de texture et de couleur, et les modalités d’inscription des marques et des dénominations commerciales sur ces supports. » Voilà ce que prévoyait l’article 5 decies du projet de loi, pour l’instant retiré. Une mesure antitabac qui entraînerait selon les buralistes des fermetures d’établissements sans contribuer à réduire la consommation.

Déjà mis en place en Australie depuis 2013, le paquet neutre n’a pas eu les effets escomptés. La consommation n’y a pas baissé, elle a même augmenté dans certains États. La contrebande et la contrefaçon ont quant à elles explosé. Selon une étude KPMG, la contrefaçon a ainsi enregistré une hausse de 12,7%. Enfin, l’impact a été énorme sur les buralistes : 77% d’entre eux rapportent un impact très négatif sur leurs affaires. Certains affirment perdent jusqu’à 15 000 dollars australiens (un peu plus de 10 000 euros) par semaine. Alternative possible : s’en tenir à la transposition de la directive européenne, ce qu’a fait Richard Yung, qui craignait que le paquet neutre n’aille à l’encontre du droit des marques et ne fasse exploser le marché parallèle. L’obligation serait donc d’augmenter la taille des avertissements sanitaires à 65% du paquet contre 30 à 40% actuellement.

Petite partie d’un plan plus vaste – le Plan national de réduction du tabagisme (PNRT) dont François Hollande a chargé Marisol Touraine en 2014 – le paquet neutre passe pour une fausse bonne idée. Le PNRT est pourtant loin d’être anecdotique et affiche des ambitions très élevées. Premières cibles, les jeunes : le PNRT a pour objectif de faire des enfants nés en 2014 la « première génération sans tabac », c’est-à-dire que 95% de cette génération soient non fumeurs. Il entend aussi réduire le nombre de fumeurs quotidiens d’au moins 10% d’ici à 2019, et faire passer la proportion de fumeurs quotidiens sous le seuil des 20% d’ici à 2024 (contre 29,1% en 2014). Des objectifs louables, quand on sait que 200 personnes meurent chaque jour en France des conséquences du tabac, que ne devraient malheureusement pas permettre d’atteindre le paquet neutre.

Julie David

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.