Fuite des cerveaux chez Orange, mais que fait Stéphane Richard ?
On l’ignorait, mais il semblerait qu’Orange soit devenu le cabinet de recrutement spécialisé de France Télévisions. Véritable vivier de candidats, l’opérateur a vu, ces derniers jours, trois de ses cadres ou anciens cadres être cités comme candidats probables à la présidence du groupe d’audiovisuel public. Si, on le verra, ces noms ne sont pas forcément ceux que l’on aurait attendus pour prétendre à un poste d’une telle envergure, leur apparition subite dans le dossier France Télévisions montre aussi autre chose : la difficulté de Stéphane Richard, PDG d’Orange, à tenir ses équipes, et le climat délétère qui règne chez l’opérateur.
Delphine Ernotte-Cunci. Ce nom ne vous dit peut-être rien, celle que l’Opinion décrit comme une « quadra discrète » a pourtant réussi à gravir (presque) tous les échelons de la hiérarchie de France Télécom, devenu Orange, pour venir s’installer à la droite du père Stéphane Richard, qui la propulse numéro deux du groupe en 2011. DG d’Orange France, Delphine Ernotte a deux problèmes majeurs : le premier, c’est qu’elle a effectué toute sa carrière chez l’opérateur, et n’a donc aucune idée concrète de la façon dont fonctionne un groupe audiovisuel. Le second, ce sont ses liens un peu trop étroits avec un certain Xavier Couture.
Xavier Couture, ancien directeur de la communication d’Orange et actuellement « conseiller » du groupe, appuierait Ernotte-Cunci dans sa campagne pour prendre la tête de France Télévisions. Quel est le problème ? Le problème, c’est que ce même Couture vient de copiloter une étude pour l’Institut Montaigne, étude s’intéressant au secteur de l’audiovisuel et de laquelle il ressort notamment qu’il faudrait « passer d’un objectif de diversité des producteurs à une logique de diversité des œuvres ».
Traduction : le texte de Couture & Co constitue une véritable déclaration de guerre contre la production indépendante, et souhaite poser les bases d’un audiovisuel public où règnerait la concentration de tous les contrats entre les mains de quelques mastodontes, au détriment (au mépris) des nombreuses PME du secteur, formant pourtant le tissu vivant de notre économie. Quand on connait l’influence de Couture sur Ernotte-Cunci, il y a de quoi s’inquiéter : est-ce là la vision que cette dernière se fait également du rôle de président(e) de France Télévisions ?
En plus de cette dernière, Pierre Louette, Directeur exécutif auprès du secrétariat général chez Orange France, souhaiterait s’imposer au sommet de la hiérarchie de France TV. Etiqueté à droite (il a été membre du cabinet d’Edouard Balladur), l’homme n’a cependant que peu de chances de s’imposer.
Enfin, dernière transfuge d’Orange, Patricia Langrand a notamment été Directeur général des activités Media du groupe, et est aujourd’hui Vice présidente exécutive chargée du « business development » et du marketing chez Steria. Elle aussi semble considérer que son passage chez Orange constitue un tremplin rêvé pour France Télévisions, idée apparemment répandue dans les couloirs du siège social de l’opérateur, mais dont on a du mal à comprendre les fondements.
Cette litanie de noms de cadres partis ou candidats au départ d’Orange laisse songeur. Elle possède indéniablement un petit côté « fuite des cerveaux », et pose des questions sur la gestion managériale d’une entreprise ayant déjà connu par le passé de sombres heures. Comme si, coûte que coûte, et même si l’on a priori pas les compétences nécessaires pour l’occuper, l’important était de trouver un nouveau job, de s’évader d’Orange. Un constat que devrait prendre au sérieux Stéphane Richard, qui aurait tout intérêt à remobiliser ses équipes avant que l’on ne jase. D’autant que se tient en ce moment le forum de Barcelone : World Mobile, un événement majeur dans le secteur des Télécoms. Y voir les cadres d’Orange en train de retaper leurs CV ferait désordre…